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Mes vacances d’enfance en Calabre : épisode 1

Modifié le 27/03/2024 par SYLVIE PETIT

Les souvenirs de mon enfance.

Parfois, je repense avec nostalgie à mes vacances d’enfant et d’adolescente en Calabre. Aujourd’hui, à 55 ans, cela me paraît à la fois si lointain et si proche, tout ce paradoxe du temps qui passe. Les souvenirs restent gravés dans notre mémoire et notre cœur, et pourtant si loin dans le temps. Je me souviens de cette excitation qui montait en moi lorsque les grandes vacances arrivaient. C’était effectivement partir au soleil, à la mer, mais surtout retrouver mes cousins, mes cousines, mes tantes, mes oncles, aussi bien maternels que paternels, une famille nombreuse ! Car, en France, nous n’étions que notre petite famille composée de six personnes : mes parents, mes deux frères, ma sœur et moi-même. Parfois, j’avais l’impression qu’il manquait quelque chose à notre cercle familial. Cette sensation d’isolement, je la ressentais particulièrement les jours de fête tels que Noël, le Jour de l’An et Pâques, ces moments où les familles se rassemblent et partagent des instants de joie et de bonheur. Nous, nous les partagions seulement entre nous six. Cependant, grâce aux grandes vacances, nous avions l’occasion de nous retrouver tous ensemble et de savourer pleinement ces moments de complicité et de partage.

Les vacances : un voyage dans le temps.

Les vacances, c’était partir dans un autre pays qui vivait à un autre rythme dans une autre époque. Aller dans le sud de l’Italie dans les années 70-80, c’était comme remonter le temps, monter dans une cabine spatiotemporelle et atterrir en 1950. Après un long et éprouvant voyage de 48 heures en train, digne d‘une épopée, nous arrivions à Cutro, la ville où habitaient mon oncle, ma tante et leurs quatre enfants. Ma cousine était l’aînée et c’était avec elle que j’allais passer toutes mes vacances. Nous formions une superbe équipe, nous étions toujours ensemble, inséparables, les meilleures amies du monde ! Nous ne savions pas à cette époque que nous allions partager énormément de choses ensemble, nos jeux d’enfants, et plus tard nos premiers amours, nos premiers chagrins ! Nous étions toutes les deux curieuses de connaître ce qui se passait dans nos pays respectifs, comprendre les différences ! La Calabre de cette époque était en retard sur son temps. J’ai pris conscience très tôt qu’aimer la Calabre était pour moi comme vivre un perpétuel paradoxe, aimer la région, la mer, les gens cela était pour moi une évidence, en revanche, plus je grandissais moins j’adhérais à certaines parties de leur culture ! Car la condition de la femme n’avait vraiment pas changé ! Le rôle principal d’une femme était de trouver un mari, être une bonne épouse, et une bonne maîtresse de maison. Les jeunes filles passaient de la tutelle de leur père à la tutelle de leur époux. Moi, je venais d’un pays où les premiers amours étaient légers, je suis de la génération de la Boum ! Nous vivions nos premiers baisers, nos premières émotions, avec beaucoup de légèreté, c’était la découverte ! Alors qu’en Calabre, le regard d’un jeune homme sur une fille, un baiser, tout était important, rien n’était pris à la légère. Dès leur enfance, les filles étaient éduquées pour correspondre aux critères attendus des hommes, être une bonne épouse, tandis que les garçons étaient encouragés à chercher une jeune fille vierge, car plus elle était jeune, plus la garantie de sa virginité était forte.

Mes premiers souvenirs en Calabre, une émotion intense.

Mais, pour le moment, je veux vous raconter mes premiers souvenirs en Calabre, mes souvenirs d’enfance. Dès notre arrivée, nous avions droit à de long moment d’embrassades, à des larmes de joie. Nous nous retrouvions enfin, nous pouvions nous parler, nous toucher, c’était un très grand moment d’émotion, très intense, j’étais tellement content de revoir ma cousine. Le premier jour était un peu compliqué car cela faisait un an que je n’avais pas parlé le calabrais. Seul le français était autorisé à la maison, conformément aux recommandations des instituteurs de l’époque : « Il ne faut parler que français à la maison, le cerveau n’est pas capable de mémoriser deux langues ! ». Malgré cela, nous arrivions à nous comprendre et au bout de quelques jours, tout rentrait dans l’ordre, je parlais calabrais sans problème. Après les embrassades, et un repas gargantuesque, nous passion aux explications sur l’utilisation de l’eau :

– Les enfants, vous savez que nous n’avons pas l’eau tous les jours, il faut donc faire très attention à son utilisation ! Pour faire votre toilette et vos besoins, vous utiliserez l’eau de la baignoire. Pour boire, vous prenez les bouteilles qui sont dans le frigo ! Vous avez bien compris ?

L’eau était rare, chaque ville, chaque village avait droit à l’eau courante, mais seulement certains jours à certaines heures et puis plus rien pendant plusieurs jours. Donc, quand nous allions chez mes tantes et oncles, on trouvait les baignoires, les seaux, des bidons remplis d’eau partout. Petite, je trouvais ça drôle, tous ces bidons d’eau, ces baignoires remplies, c’était comme un jeu : je changeais de vie, je ne me rendais pas compte de ce que cela signifiait. Aujourd’hui, vous ne trouverez plus les baignoires remplies ou des bidons partout car chaque foyer possède des containers pour pallier aux coupures d’eau, mais la pénurie d’eau ne fait que s’aggraver.

Les fontaines, source de vie et de joie.

J’adorais aller chercher de l’eau avec mes parents aux fontaines de la ville. C’était un point de rencontre où tous les gens discutaient, les enfants jouaient à s’arroser, un moment de d’échange de joie, de rire, mais surtout, j’aimais particulièrement quand on allait aux fontaines, loin de la ville, sur la route. On voyait encore passer des bergers avec leurs troupeaux de chèvres, des paysans à dos d’ânes, le modernisme était en route, mais pas partout ! À cette époque, beaucoup de gens roulaient en triporteur Piaggio, c’était le véhicule de tout le monde, pas cher, pratique car pas besoin de permis et on pouvait y mettre beaucoup de choses dans sa petite remorque ! Garer le long des fontaines, tout le monde attendait son tour. Parfois, mon père ramassait des figues le long de la route pour nous les faire goûter, et nous apportait de l’eau pour nous rafraîchir. Il fallait être patient, car dans le coffre de chaque véhicule se trouvait des bidons de 15 litres, des thermos de 5 litres et un grand nombre de bouteilles, le tout sous le soleil brûlant de Calabre. L’attente était longue, mais cela me permet de comprendre qu’en France nous avions beaucoup de chance. Aujourd’hui, quand je pars en vacances en Calabre et que nous passons en voiture devant ces fontaines, où presque plus personne ne s’arrête, la vie semblant s’être éteinte. Cela me rend triste et nostalgique.

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