Les Festins et la Nostalgie : Souvenirs de Vacances en Famille
Modifié le 24/04/2024 par SYLVIE PETIT
Les Retrouvailles : Un Souffle d’Émotions pour les Émigrés.
Être émigré ou faire partie d’une famille d’émigrés qui vit seule en France, éloignée de tous ses proches, c’est vivre un déracinement au quotidien. C’est vivre, loin de ceux que l’on aime, se sentir parfois seul, ne pas voir grandir et vieillir les autres, affronter les épreuves seules, sont des moments difficiles à vivre pour ceux qui sont partis, mais également pour ceux qui restent. C’est pourquoi, dès mon enfance, je savais que nos vacances en famille seraient ponctuées d’émotions intenses. Les retrouvailles constituaient le moment le plus fort, chargé de larmes de joie et de bonheur, chaque instant était précieux ! Mes parents allaient enfin revoir leurs frères et sœurs après une longue séparation d’un an, presque sans nouvelles. La plupart de mes tantes et oncles ne possédaient pas de téléphone, et même pour ceux qui en avaient un, les appels étaient extrêmement coûteux. Alors, ces retrouvailles étaient chargées de larmes de joie, de bonheur, chaque moment était incroyable !
Toute la famille savait que nous arrivions début août, date à laquelle mes parents partaient toujours en vacances, mais la date exacte personne ne la connaissait, sauf mon oncle qui venait nous chercher à la gare, comment il le savait, j’étais trop jeune pour m’en souvenir ! L’arrivée à la gare était un grand moment d’émotion, mon oncle était là. On était tous heureux.
Le matin, nous partions à la plage à Crotone, la mer, le sable fin, le soleil, j’adorais la jouer dans l’eau, j’y restais des heures avec mon petit frère, c’étaient des moments de pur bonheur. Les après -midi étaient dédiées aux visites à la famille.
Après les retrouvailles, commençait la série des invitations : tout le monde désirait partager un repas avec nous. Durant nos 4 semaines de vacances, nous avons quasiment assisté à autant de dîners, organisés par mes tantes et oncles.
Festins et Convivialité : Les Banquets Calabrais
Des moments de folies, où les repas étaient gargantuesques, la nourriture était un moyen de montrer à quel point ils nous aimaient. Ils savaient également que l’on ne pouvait pas trouver tout cela en France, à Paris surtout à cette époque-là. Il n’y avait pas encore des traiteurs italiens. Même, trouver des pâtes de bonnes qualités était difficile, alors des spécialités italiennes encore moins, et ne parlons même pas des spécialités Calabraises ! Nous avions le droit à de la charcuterie et des pâtes, mais attention, faites maison, ainsi que des plats typiquement Calabrais !!! Et puis, dans toute cette organisation, il fallait rajouter les repas de mariages !!! De la folie pure !


Des mariages à la Calabraise avec plus de 300 invités, des repas au restaurant, où sincèrement j’ai cru plus d’une fois que j’allais mourir tellement il y avait de la nourriture.
A minima une dizaine d’antipasti différents, des primi, au moins 5 assiettes de pâtes différentes, puis 5 des plats de poisson et viande, c’était de l’ordre de la déraison. Il ne s’agissait pas d’un repas avec des assiettes prévues pour autant de services, mais des assiettes comme si elles étaient uniques !
Une Soirée Mémorable : un repas qui n’en finissait pas !
Je me souviens encore, des années plus tard, quand avec mon mari nous avions pris quelques jours dans un agritourisme près de Santa Severina où nous étions en demi-pension, les repas étaient excellents. Un soir, au moment où nous allions dîner, le propriétaire vient nous annoncer que nous allions bénéficier du repas de baptême organisé ce jour-là, sans supplément. Mon mari me regarde et voit que je change de tête.
-Qu’est ce qui se passe, c’est génial ! Déjà que l’on mange bien, alors un repas de baptême ça va être très super !
-Oui, je n’en doute pas, mais tu ne sais pas à quoi on va être confronté.
-C’est-à-dire, je ne comprends pas où est le problème ?
-Ça va être un repas pantagruélique, on va mourir, il va y avoir beaucoup trop nourriture ! On va être malade !
-Arrête, tu exagères !! C’est plutôt une bonne nouvelle ! Ne dramatise pas, c’est juste un repas !
-Non, je n’exagère pas, tu vas voir !
Les plats commencèrent à défiler.
-Attention, ne mange pas l’assiette complète, après tu n’auras plus faim pour le reste !
– Arrête, c’est super bon, moi, je mange tout !
Mon mari, fidèle à lui-même mange tous les antipasti, puis la 1 ère assiette de pâtes, puis la deuxième, puis je vois sa tête se défaire quand la 3 ème assiette de primi arrive, un très beau risotto et nous n’étions qu’au début du repas ! Je pense qu’à ce moment-là, il commence à comprendre de ce dont je voulais parler. Son visage commence à changer !
-Tu vois, tu ne voulais pas me croire, il reste peut-être encore des assiettes de pâtes et ensuite les plats.
-Tu as raison, ce n’est pas possible de tout manger !!!
Au fur et à mesure que les plats arrivent, nous sommes pris de fou rire, car à chaque fois que l’on pensait que le repas était terminé, une nouvelle assiette arrivait ! Ce soir-là, nous avions la peau du ventre bien tendue ! Moi j’avais l’impression d’être enceinte de 5 mois, et mon mari aussi !!!
L’alimentation des enfants calabrais.
La nourriture tient une très grande place dans la culture Calabraise. Petite, j’étais le désespoir de mes parents et surtout de ma famille parce que, selon eux, je ne mangeais rien ! Je devais certainement être malade ! Chacun y allait de son pronostic. Quand nous allions à la plage en famille, c’était toute une histoire, moi, je ne mangeais pas de sandwich à 10h30 à la mortadelle et pas de fruit à 11h ! Et pratiquement rien au repas du midi ! J’étais le désespoir de toute une famille. Car, on ne pouvait pas rester à la mer sans manger ! Car enfin ! La mer ça épuise, il faut prendre des forces ! Je me souviens encore des mères qui couraient après leurs enfants pour leur donner à manger.
La richesse de ma famille calabraise.
Je me rappelle très bien comment nous étions reçus dans toute la famille. Après les embrassades, les effusions de tendresse, on nous proposait toujours de la nourriture ! Des tranches de pain avec de la charcuterie, des olives, un café… La plupart des membres de ma famille étaient pauvres, mais ils nous offraient tout ce qu’ils avaient !
Des adieux trop difficiles.
Mais, les jours passaient à très grande vitesse, après le 20 août, les visites étaient plus difficiles, nous savions que nous allions bientôt repartir, que nous n’allions pas nous revoir pendant un an. Plus je grandissais, plus ces moments devenaient difficiles. Tout le monde vieillissait, mes oncles et tantes étaient beaucoup plus vieux, et les au revoirs, ressemblaient à des adieux. Des larmes silencieuses, les gorges serrer, on s’embrassait, on se tenait longuement dans les bras. C’était peut-être la dernière fois que l’on se voyait.
Partir, était difficile.